Aux sources de la production théâtrale
Le Cirque Olympique obtient le privilège du genre équestre en 1807 en tant que "spectacle de curiosité" et en 1811 en tant que "théâtre" (voir du Théâtre équestre au cirque, pp.152 et sq). Cela signifie que c'est le seul établissement parisien qui détient la possibilité d'exploiter des entrées mettant en piste et en scène des chevaux - n'excluant pas de voir apparaître des chevaux sur d'autres scènes mais, outre le fait que généralement c'est la cavalerie des Franconi qui intervient (voir Les Franconi à l'Opéra), leur présence ailleurs ou celle d'autres écuyers est alors ponctuelle et ne constitue ni un privilège, ni leur répertoire.
La présentation de pièces narratives (qui racontent une histoire) est cependant antérieure au statut de théâtre et, déjà avant 1807, plusieurs pièces du répertoire des Franconi sont connues, notamment durant la période révolutionnaire où les spectacles libérés de toutes contraintes se lancent dans des créations hybrides. Cependant, à compter de l'homologation d'un statut officiel, toutes les pièces sont recensées, car surveillées. Parallèlement, la notoriété comme le statut de théâtre du Cirque Olympique encouragent la publication des livrets des pièces mises en scène et piste.
C'est notamment en croisant les procès verbaux de censure (68) et les livrets édités (178), avec d'autres sources, qu'un répertoire de 265 pièces a pu être identifié qui, s'il ne recouvre pas toutes les pièces présentées (procès verbaux non classés, livrets non conservés), donne connaissance de l'essentiel de la production entre 1807 et 1847**.
Les dates qui cadrent le répertoire recensé marquent l'entrée en vigueur des restrictions napoléoniennes (1807), et la fin de la direction du Théâtre du Cirque Olympique par Jules Gallois (1847). L'établissement devient un théâtre lyrique le temps d'une saison avant de devenir Théâtre national du Cirque (1848), puis Théâtre impérial du Cirque (à partir de 1852), poursuivant le répertoire historique et militaire du Théâtre du Cirque Olympique avec la présence d'une cavalerie conséquente, produisant donc des hippodrames... au même titre que le font dès 1845 les hippodromes de spectacles alors que les Cirque d'Ete puis Cirque d'Hiver, sans scène, abandonnent le répertoire théâtral.
Ainsi, à partir de 1847, non seulement le répertoire du Cirque Olympique ne se limite pas à un seul lieu (surtout lorsque les propriétaires possèdent deux établissements) mais les particularités du théâtre d'une part et du drame équestre d'autre part sont exploitées dans d'autres lieux, ce qui complique la distinction des spécificités. C'est pourquoi, encadrer l'étude du répertoire semblait le meilleur moyen d'étudier ses caractéristiques.
Entre 1807 et 1847, la production compte donc au moins 260 pièces, soit, en quarante ans, une moyenne de 6,5 pièces par an. Une telle moyenne n'est aucunement représentative au regard de la distribution très irrégulière selon les années (cf graphique et tableau infra) et lorsqu'on considère que certaines pièces sont reprises parfois plusieurs années après leur première représentation. En somme, les pièces recensées ne donnent qu'un aperçu de la production, certainement pas une clef pour en comprendre l'exploitation. Pour cette dimension, seuls les articles de presse permettent de rendre compte des ressorts d'une pièce de son succès, de sa longévité comme des reprises éventuelles.
Répertoire et genres
L'étude des intitulés des pièces du Cirque Olympique, éditées ou recensées par la censure théâtrale, révèle que le répertoire couvre tous les genres exploités par les scènes secondaires. La présence des chevaux, imposée par la loi est quasi-permanente mais pour en être certain, il faut lire dans le détail les pièces ou les relevés de censure car les titres des livrets ou les intitulés des pièces ne mentionnent qu'assez rarement, de façon explicite, la part équestre. Par ailleurs, les pièces éditées et recensées sont les temps forts d'une soirée mais ne constituent pas tout le spectacle. Si une pièce ne figure pas de chevaux, le reste des entrées qui animent la programmation du jour fait bien intervenir des chevaux. Inversement, la présence de l'animal dans la pièce principale est ce qui justifie que d'autres entrées de la soirée ne comportent pas de chevaux. En somme, la pièce centrale de la programmation du jour ne représente pas à elle seule le répertoire d'un soir.
De plus, la programmation obligatoire des chevaux est liée à l'établissement et, selon la catégorie de la pièce, il est possible - mais pas légal - de ne pas donner aux chevaux le rôle qu'ils devraient - légalement - avoir. Néanmoins, les chevaux sont le passeport pour le théâtralisation du Cirque Olympique et donc le critère sur lequel se constitute son répertoire, aussi les pièces du Cirque Olympique comportent-elles généralement des chevaux et vont pour certaines faire du cheval (ou des chevaux) le héros, ou l'extension intrinsèque au héros-cavalier.
Sur 265 pièces étudiées, seuls 10% ont le qualificatif de "équestre" ou "chevaleresque". Cependant, implicitement, il va de soi que les substantifs de "militaire", "historique" et "à grand spectacle" signifient le rôle central joué par les chevaux. C'est alors plus de la moitié du répertoire qui est objectivement identifiable comme bel et bien équestre tandis que l'autre moitié, sans spécification particulière, inclue pour ainsi dire à chaque fois l'entrée, même furtive ou incongrue, d'un cheval.
Il faut cependant distinguer deux types de pièces équestres. Les premières sont les pièces historiques et militaires où le cheval est le pivot de l'action. Ces pièces sont fondées par et pour les exercices et les manoeuvres équestres. Les secondes sont les mimodrames et des mélodrames classiques, "mis en équitation" car le cheval est l'argument distinctif des autres théâtres comme l'élément nécessaire pour justifier l'incartade dans un genre théâtral qui ne relève pas du privilège initial du Cirque Olympique.
Outre les substantifs, les qualifications des pièces suivent donc la vogue des genres. A partir des années 1830, il n'y a plus de pantomimes, mimodrames ou scènes, tandis que vaudevilles, mélodrames et drames, qui apparaissent à partir des années 1820, perdurent jusqu'aux années 1840. La mode des mimodrames, fééries et évènements est en revanche beaucoup plus circonscrite dans le temps, là où d'autres appellations perdurent durant plus de vingt ans.
Il est donc assez difficile de qualifier le répertoire du Théâtre du Cirque Olympique distinctement des scènes secondaires. La "labellisation" des pièces est extrêmement variable et changeante dans la forme d'énonciation, mais extrêmement similaire dans le fond et la structure. Ce sont donc bien les composantes des pièces, en l'occurrence les chevaux, qui authentifient le répertoire, évidence visible en direct plus que ne le laissent percevoir les livrets et les archives.
Voir Du Théâtre équestre au cirque, pp. 335 et sq.
A compter du moment ou le Théâtre du Cirque Olympique devient indépendant de la direction des Cirque d'Ete et Cirque d'Hiver (direction Meyer et direction Billion), son répertoire est plus que jamais ancré dans sa spécificité historique et militaire telle qu'elle s'était graduellement imposée antérieurement.
** Aucun lieu de ressources ne conserve la totalité du répertoire du Cirque Olympique. Au total, 553 occurrences sont apparues à travers plusieurs sources, dont plus de la moitié sont des récurrences. Seulement 68 pièces ont été trouvées aux Archives nationales entre 1815 et 1847 (procès verbaux de censure), 151 à la Bibliothèque nationale de France (livrets enregistrés au Département des imprimés), 123 dans la bibliographie de R.Toole Stott, 86 sont répertoriées dans la Bibliothèque dramatique de M. de Soleinne, dont 6 inédites (Jacob (P. L.), Bibliothèque dramatique de Monsieur de Soleinne,5 vol., Graz, Akademische Druck, 1969), 53 dans les archives de Tristan Rémy, 49 figurent au catalogue de la British Library, 20 dans l'ouvrage de Lecomte (Lecomte (L.H.), Napoléon et l'Empire racontés par le théâtre, 1797-1899, Paris, Librairie Jules Vaux, 1900), 3 dans l'ouvrage de Tissier pour la période révolutionnaire (Tissier (A.), Les Spectacles à Paris pendant la Révolution. Répertoire analytique, chronologique et bibliographique, des Etats Généraux à la chute de la Royauté, 1789-1792, Genève, Droz, 1992, p.343-345).
Articles de presse et programmation
La Presse est le relai des programmations théâtrales et la critique dramatique tient une large place dans les journaux (pour un aperçu de la presse des théâtres voir les ressources de la BnF via Gallica). Les directeurs des théâtres adressent quotidiennement leur programme, souvent la veille pour le lendemain (voir échanges entre les Frères Franconi et Mathieu Villenave, rédacteur aux Annales), tandis que les journalistes, souvent eux-mêmes hommes de lettres, fréquentent assidûment tous les établissements.
Les annonces suivent l'ordre du classement des théâtres (théâtres privilégiés, puis théâtres secondaires selon la hiérarchie des années d'homologation). A minima, comme dans Le Figaro, journal littéraire, les pièces du jour sont simplement listées. Mais la presse dédiée existe depuis les années 1770, et si certains sont des journaux-programme, d'autres, tels l'Entr'Acte, le Courrier des Spectacles ou le Journal des Théâtres, offrent de plus amples descriptions des pièces, notamment lors de la première représentation ou des premières soirées.
Des études très riches sont conduites au sujet de la relation entre théâtre et presse. Voir notamment :
. Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty, Alain Vaillant (dir.), La Civilisation du Journal, Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Nouveau Monde Editions, 2012.
. Marie-Ève Thérenty et Olivier Bara, Presse et scène au XIXe siècle. Relais, reflets, échanges. Actes du colloque international coorg. par l’Université Montpellier III, l’équipe RIRRA 21, l’IUF, l’Université Lyon 2 et l’UMR 5611 LIRE, 17-19 juin 2010.
. Mariane Bury et Hélène Laplace-Claverie (dir.), Le Miel et le Fiel. La critique théâtrale en France au XIXe siècle, Paris, PUPS, 2008.