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La Dynastie des Franconi
Excellents écuyers, premiers directeurs de théâtre à instituer et détenir le privilège des exercices équestres en France, les Franconi assurent leur suprématie sur le genre équestre durant plus d'un siècle et quatre générations.
Le nombre d'années "d'entreprise familiale" sont faibles au regard de la longévité de la dynastie. Il ne leur est pas nécessaire de diriger un établissement éponyme pour que, durant la première moitié du XIXe siècle, le Cirque Olympique soit de facto associé aux Franconi et pour que leur notoriété, qu'ils soient présents en piste ou non, constitue la référence du genre en France. Ce n'est pas un établissement qui fait des Franconi la dynastie circassienne fondatrice du cirque en France mais leur faculté à se faire reconnaître détenteur du privilège, à créer et renouveler les canons du genre, comme à intégrer les innovations culturelles autour du cheval qui les placent en tête des tenants des spectacles équestres en France.
Aucun établissement porte le nom de Franconi après 1807 et leurs spectacles, comme les lieux qu'ils constuisent ne sont pas transmis de génération en génération. Antonio Franoni ne lègue pas de théâtre à ses fils, tandis que Laurent et Henri, s'ils placent leur fils et neveu, Adolphe, à la tête du Cirque Olympique en 1826 pour garder au sein de la famille le privilège d'exploitation, voient le titre leur échapper en quelques années et repris par Louis Dejean. Plus tard, quand Charles prend la suite de son père, Victor, à la direction du Cirque d'Hiver en 1897, cet établissement ne porte pas leur nom, car il ne leur appartient pas. En somme, les revers financiers, comme l'envie ou la nécessité de proposer de nouvelles formes de spectacles ne fait d'aucun l'héritier formel des précédents.
Il n'y a pas "un" spectacle Franconi, ni un style qui leur soit propre. Ce n'est donc pas un héritage patrimonial qui tisse la dynastie d'écuyers de spectacle, mais la transmission d'une profession où chacun développe des qualités reconnues avec sa part de distinction personnelle ornée d'un sceau commun : la seule évocation de leur nom impose une signature, à la fois gage de savoir-faire et marqueur de réputation. Avec le nom comme passeport chacun s'est lancé ses propres défis, a proposé de nouvelles formes ou s'est imposé par ses spécificités, pérénisant la présence de la dynastier sans avoir le poids de sauvegarder les meubles puisqu'à chaque génération chacun s'emploie à créer sa propre place dans l'univers du cirque et des spectacles équestres.
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Franconi, un nom à part
Le nom Franconi est donc celui d'une dynastie d'écuyers de spectacles aux multiples facettes. Leur renommée est à la fois professionnelle et personnelle: Laurent était reconnu comme l'un des meilleurs écuyers de son temps, comme son fils Victor, auteur de deux traités d'équitation, ou son petit-fils Charles qui dirige le Cirque d'Hiver, réputé excellent cavalier mais qui est non moins renommé pour... sa dextérité à l'épée. Henri lui est célèbre pour ses pantomimes qu'il écrit principalement pour le Cirque Olympique, mais pas exclusivement, et parce qu'il est excellent voltigeur à cheval.
Néanmoins leur notoriété ne repose pas uniquement sur leurs qualités à cheval. Dès qu'il est question d'une nouvelle entreprise de spectacles équestres, leur nom y est associé de prêt ou de loin, soit en tant que parties prenantes, soit en tant que référence pour leurs concurrents. Les Franconi étaient les premiers à exploiter, en l'homologuant, la manne importée par Astley et, de là, ils ont relégué leurs concurrents : Benoît Guerre, Bastien Gillet, Henri Lagoutte, ainsi que les familles d'écuyers que sont les Loisset, Lalanne, Lejars, Loyal, Cuzent, Bouthors étaient admirés en leur temps mais n'ont véritablement marqué les annales parisiennes que parce qu'ils sont "passés" par la piste et la scène du Cirque Olympique, puis du Cirque d'Eté, du Cirque d'Hiver ou encore des hippodromes avant, pour certains, d'établir une renommée locale en province ou à l'étranger.
Ce sont donc les institutions créées par les Franconi et le fait qu'ils aient les premiers obtenus le privilège d'exploitation du genre équestre qui les placent en chef de file de la profession des écuyers de spectacles et des directeurs de cirque au XIXe siècle en France. Le fait également que de père en fils, ils aient enseigné l'équitation aux familles royales et impériales, aux armées, à de nombreuses personnalités, comme les grands noms de l'équitation qu'ils fréquentent ou auxquels ils s'associent, l'ensemble constituant la clef d'entrée pour accéder aux cercles des écuyers reconnus et renommés auprès de leurs contemporains. Si Antonio Franconi a creusé son sillon dans l'univers des spectacles d'animaux avant de devenir bon cavalier, son petit fils Victor prend la plume pour rédiger des traités qui ont connu un succès d'estime dans le monde du cheval tandis que Charles figure dans le Bottin Mondain. Le cheval a porté le succès de leurs entreprises, a ancré leur expertise équestre et a bordé le chemin de leur notabilité et des symboles de leur distinction.
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Une famille d'écuyers et écuyères
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La dynastie des Franconi est belle et bien une lignée d'écuyers et de directeurs de cirques, mais elle ne saurait se limiter aux hommes. Catherine Cousi, femme de Laurent et Jeanne Lequien, femme de Henri sont elles-mêmes écuyères et prennent part aux spectacle, premières voltigeuses à cheval dans les pas de Mrs Astley.
Elisa Franconi et Laurence Franconi, les filles de Henri sont réputées excellentes écuyères et paraissent dans les spectacles. C'est aussi par elles, par leurs alliances, que la famille Franconi s'impose comme une dynastie et que les mariages illustrent la structuration d'un entre-soi où le cheval est le lien, plus encore que le théâtre.
Elisa épouse François Sergent, qui écrit les musique des pantomimes du cirque et Laurence épouse François Laribeau (dit Paul Laribeau), également célèbre écuyer. Adrienne figure également en tant qu'écuyère et elle épouse Sébastien Gillet, écuyer. Euphrasie semble être la seule des aînés d'Henri Franconi à ne pas monter. Elle épouse cependant Henri Villemot, auteur dramatique, qui écrit de nombreuses pièces pour le cirque. Si Lionel fait une carrière militaire dans l'armée de Napoléon III en tant que cavalier et que son frère Narcisse devient médecin militaire, tous les enfants du premier mariage d'Henri et leurs époux ou épouses - hormis Alfred dont l'occupation nous échappe - sont liés à l'entreprise familiale où ont développé leur carrière en lien avec l'équitation ou les animaux (Lionel et Narcisse).
Couple brillant et composant un duo réputé sur piste tout en laissant à chacun son univers d'expression, Victor et Virginie Kennebel marquent leurs contemporains. Dès 1836, Victor semble déjà travailler et sillonner les routes avec le cirque Avrillon-Kennebel. C'est une lettre de Laurent Franconi, annonçant le décès de son grand-père à Victor qui l'atteste. Victor Franconi travaille ainsi de façon particulièrement assidue auprès de la famille de Virginie. En 1837, un contrat entre Sophie Avrillon, épouse Kennebel, la mère Virginie, et Victor indique ainsi qu'il les rejoint "pour faire travailler au manège trois chevaux dressés en liberté dont un pour l’équitation de haute Ecole, lesquels chevaux appartiennent à Mr Victor Franconi. Le présent est fait jusqu’à Pâques prochain 1837, moyennant 680 francs par mois" et y donner des leçons d'équitation (in Archives particulières). Ils se marient le 3 juin1846, deux ans après la naissance de Charles Franconi à Turin (Archives particulières).
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Une succession de directeurs de spectacles, manèges, cirques, hippodromes
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La transmission des biens, même si Laurent et Henri sont associés, passe par les aînés. Victor, le fils de Laurent n'a que 15 ans en 1826, lors de l'incendie du Cirque Olympique. Il est trop jeune pour remplacer son père et son oncle. C'est Adolphe, le fils d'Henri qui, a 24 ans, va superviser le Théâtre du Cirque Olympique. Adolphe reprend différentes directions d'établissements par la suite, toujours en association avec d'autres partenaires, mais Victor semble plus entreprenant. Après avoir beaucoup circulé en Europe, notamment avec la troupe de Sophie Kennebel, mère de son épouse Virginie, célèbre écuyère, il est directeur artistique au Cirque d'Eté et s'aventure notamment dans la création des hippodromes à Paris et de New York avant de revenir à la tête des Cirque d'Eté et du Cirque d'Hiver en 1870.
Adolphe meurt en 1855, six ans après son père et son oncle. Victor décède en 1897. Lui-même traverse donc le siècle et marque de son empreinte l'équitation de spectacles de toute la deuxième moitié du XIXe siècle. Il dirige les deux cirques parisiens pendant 27 ans, jusqu'à sa mort, et son fils Charles reprend la suite jusqu'à sa mort en 1907.
Charles n'a pas d'enfants et ses soeurs ne se sont intéressées ni à l'équitation, ni au cirque. Parallèlement, du côté de Henri, ses descendants non pas poursuivi dans la voie équestre. Aussi, avec la mort de Charles, le nom Franconi s'efface de la direction des cirques parisiens et disparaît de la scène équestre et de la piste.
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